jeudi 30 avril 2015

Elimination

Vous seriez étonnés de voir combien de conversations, en maisons de retraite, tournent autour du pipi et du caca. En langage médical, on appelle ça l'élimination. C'est un sujet crucial pour certains résidents, une source d'intérêt quotidiennement renouvelée, un cheval de bataille pour les plus concernés. Les soignants ont évidemment leur rôle à y jouer.

C'est que l'élimination est parfois un facteur à surveiller, au même titre que le poids ou la température. L'hiver, nous sommes particulièrement vigilants aux symptômes de la gastro-entérite, une calamité qui se propage dans les EHPAD comme les dix plaies d'Égypte. Ma soeur (qui est psychologue en maison de retraite) pense que les résidents se réapproprient nos préoccupations de soignants.

Prenez madame Leduc, par exemple: très préoccupée par l'aspect de sa production de selles quotidiennes, elle m'invite fréquemment à en regarder la teneur. C'est toujours avec un grand intérêt qu'elle recueille ma description, qu'elle ne manque jamais de commenter ("Ha c'est bien, vous le direz à l'infirmière?")

Madame Mangin me détaille chaque jour, avec élégance, la fréquence de ses "matières". J'ai droit à un descriptif en règle de la moisson du jour, petites crottes bien fermes le plus souvent. Mais il arrive que le fruit de ses entrailles soit mou et malodorant, ce qui la plonge dans une humeur morose.

Heureusement, la plupart des résidents m'épargnent les détails. Ils se contentent de signaler les dysfonctionnements: faible productivité, ralentissements dans les canaux, flots abondants et nauséabonds, difficultés a expulser...
Certains consomment des laxatifs comme d'autres des bonbons, aiment aussi les pruneaux en dessert. À l'inverse, en période de gastro-entérite, le riz envahit les assiettes. La tendance varie, mais le fond reste. L'élimination en maison de retraite, c'est un peu comme la pluie et le beau temps: un sujet de conversation prisé et passe-partout.

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